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bleri-lleshi-sampol1Le 13 octobre commence une opération européenne de police de grande envergure qui vise les personnes sans papiers. Une nième criminalisation des personnes en exil.

C’est devenu une tradition. A chaque fois qu’un pays obtient la présidence de l’UE, il lance une action d’envergure contre les migrants. Hasard ou non, ces actions portent des noms issus du latin ou du grec ancien. Aeródromos, Aphrodite, Perkunas sont les noms des actions menées au cours de la présidence respectivement de la Grèce, de Chypre et de la Lituanie.

Le 10 juillet, moins de deux semaines après que l’Italie obtenait la présidence de l’UE, une opération de police était annoncée. Cette action allait être menée par le ministère italien de l’Intérieur en « étroite coopération » avec Frontex, Europol et les États membres de l’espace Schengen. L’action a été appelée « Mos maiorum », ce qui signifie littéralement « mœurs des anciens ». Elle se réfère aux premiers siècles de la République romaine. Aucun média européen – ni de masse ni alternatif, ni aucun responsable politique ne nous ont parlé de Mos maiorum. Concrètement, du 13 au 16 octobre, environ 20.000 policiers seront mobilisés dans des actions allant de contrôles croissants dans les aéroports, dans les gares, sur les autoroutes jusqu’à des perquisitions. L’objectif principal est d’avoir une vue plus précise des routes de migration et d’arrêter autant de personnes sans papiers que possible.

L’action est présentée comme moyen de prévention contre le crime organisé et le trafic d’êtres humains, mais nous savons par le passé que c’est une excuse. Dans les actions précédentes, aucun passeur pratiquement n’a été arrêté, mais bien des personnes sans papiers qui ont ensuite fini dans les centres fermés, avant d’être finalement expulsés. De plus, l’Europe veut, via de telles actions, élargir ses bases de données de Frontex et d’Europol.

Les réfugiés sont considérés comme une menace. Les nouveaux flux de migrations sont présentés sous le prisme des questions de sécurité et de criminalité puisqu’ils sont le résultat de guerres et de conflits, notamment au Moyen-Orient et en Afrique.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait encore jamais eu autant de réfugiés. Les chiffres des Nations Unies parlent d’environ 51 millions de réfugiés. Pour 2013 seulement, il y avait 17 millions de personnes en exil. En Europe, nous sommes convaincus que tous les réfugiés du monde entier viennent ici. Mais en 2013, il y a eu 435.385 demandes d’asile dans les 28 Etats membres de l’UE réunis. Une bagatelle en somme…

Par ailleurs, l’Europe constitue la destination la plus dangereuse pour les personnes qui migrent. Selon une enquête, depuis 2000, au moins 40.000 personnes ont perdu la vie en venant en Europe. La mer Méditerranée est devenue un charnier. A cause de l’Europe forteresse. Des pays européens et l’Union européenne ont investi des milliards d’euros pour protéger ses frontières. Dans la zone tampon autour de l’UE, environ 2 milliards d’euros ont été investis. En 2013, Frontex a reçu pas moins de 85 millions d’euros. L’an passé, l’Europe a lancé Eurosur, un système de surveillance des frontières, qui recevra dans les 6 prochaines années, 250 millions d’euros de frais de fonctionnement.

Le nombre de caméras et les kilomètres de clôture sur les frontières européennes dépassent les bornes. Des dizaines de milliers de garde-frontières ont été engagés aux frontières, de la Bulgarie à l’Espagne . Dans des pays comme le Royaume-Uni, la Hongrie et l’Autriche, les réfugiés sont enfermés dans des cellules. En Grèce, à Malte, en Pologne et en Bulgarie, même les demandeurs d’asile mineurs sont enfermés.

Les politiques de sécurité et de criminalisation menées par l’Europe et des actions telles que Mos maiorum constituent une violation de la Convention européenne pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la Convention de Genève et la Déclaration universelle des droits de l’homme, en particulier le droit à la liberté et à la sécurité.

Selon des chercheurs et des organisations de réfugiés, ce sont les trafiquants qui profitent de l’actuelle politique européenne. Une fois qu’une route est fermée, les trafiquants trouvent de nouvelles routes, plus dangereuses et plus coûteuses pour les migrants. Il va sans dire qu’il faut lutter fermement contre les trafiquants. Mais ce ne sont pas des actions comme Mos maiorum qui sont nécessaires. Il existe suffisamment de lois au niveau des états et au niveau européen pour lutter contre la criminalité. La police et la justice doivent agir mieux. Les grands leaders du trafic d’êtres humains circulent librement et nous savons qui ils sont.

Des millions de personnes sont en fuite à cause des guerres, mais récemment, le nombre de réfugiés en raison des catastrophes naturelles a augmenté. Les milliards d’euros qui sont actuellement dépensés pour protéger les frontières peuvent être utilisés pour prévoir des trajets légaux vers l’Europe. En sécurisant les routes d’accès, ce sont non seulement des vies qui seront sauvées, mais la lutte contre les trafiquants aussi sera efficace.

La politique européenne actuelle voit les immigrants comme une menace, mais sans eux, l’Europe serait dans une crise encore plus profonde. Des dizaines de rapports et d’études récents démontrent que les migrants jouent un rôle crucial dans l’économie européenne. Au Royaume-Uni par exemple, les migrants ont contribué à l’économie pour un montant de 32 milliards d’euros. Dans le nouveau gouvernement suédois, trois ministres sont issus de l’immigration. Aida Hadzialic est arrivée à l’âge de 5 en tant que réfugiée de Bosnie et, à 27 ans, elle est la plus jeune ministre du gouvernement. Les migrants sont des personnes qui en veulent, mais l’Europe ne leur donne aucune chance aujourd’hui, alors qu’elle a vraiment besoin d’elles.

Bleri Lleshi est philosophe politique et auteur du plusieurs livres

Traduction vers le français par Emmanuelle De Caluwé
https://blerilleshi.wordpress.com
https://www.facebook.com/Bleri.Lleshi
@blerilleshi

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