Theo Francken et Sarah Smeyers sont les experts en migration de la NV-A, mais ceux qui connaissent les chiffres d’asile et d’immigration ne peuvent que conclure que ces parlementaires sont surtout des experts en manipulation.
Ceux qui rédigent les chiffres disent qu’il faut être prudent avec leur utilisation, car le problème reste qu’il est difficile d’obtenir les chiffres corrects. Certainement quand il s’agit de personnes qui résident illégalement dans notre pays.
En plus, on ne peut pas analyser les chiffres nationaux hors du contexte international. Un exemple : souvent on dit que notre pays serait ‘le CPAS du monde’ (e.a. Alexander De Croo, Patrick Loobuyck), alors que le Haut Commissaire des Réfugiés remarque que ‘les zones d’origine des réfugiés reçoivent entre 75% et 91% des réfugiés sur place’ (UNHCR, 2010). En 2010 il y avait 215 millions de réfugiés qui vivaient dans un pays autre que leur pays de naissance. 8% d’entre eux sont des réfugiés et chercheurs d’asile. En 2010, 27,3 millions de ces 215 millions se trouvaient en Europe et (non-négligeable) en Asie centrale. Seulement 0,7% de ces migrants étaient réfugiés (Banque Mondiale, 2011).
Depuis le début de la crise économique, la quantité de migrants a baissé. Notre pays ne se trouve pas dans le top 35 de pays qui reçoivent les immigrants, comme nous apprennent les rapports de la Banque Mondiale, OCDE, IOM et UNHCR. Ces infos servent comme introductions. Regardons les chiffres que les parlementaires de la N-VA ont utilisé dans leur article d’opinion dans De Standaard (03/04).
Premièrement : ‘En 2010 un étranger illégal avait dix fois plus de chance d’être régularisé que rapatrié’. On met les chiffres annuels de rapatriement à côté des chiffres de régularisation. Comme s’il y avait une corrélation entre les deux. En plus, 2010 était l’année de la campagne de régularisation, donc les chiffres sont plus élevés que normalement. En revanche, les retours volontaires ont augmenté. Pendant les deux premiers mois de 2012 on a constaté une augmentation de 42% par rapport aux deux premiers mois de 2011 (Fedasil).
Deux : ‘L’immigration nette en Belgique est quatre fois plus élevée que dans le reste de l’Europe’. L’indicateur belge est de 8,2, celui de l’UE (25 pays) 1,9. C’est quatre fois plus ? Oui, mais cette moyenne ne dit pas grand chose, si l’on sait que l’indicateur du Luxembourg est de 15,1 tandis que celui de la Lituanie est de -23.7 ! Selon les chiffres d’Eurostat, la Belgique se situe dans la tranche du milieu de l’UE. Et n’oublions pas que dans ces chiffres sont inclus les migrant européens, le plus grand groupe de migrants en Belgique avec les Français et Néerlandais en chef de file.
Trois : ‘On reçoit cinq fois plus de demandeurs d’asile que la moyenne européenne’. La comparaison avec la moyenne de l’UE est à nouveau trompeuse. En 2010 la Belgique a reçu 26.130 demandes d’asile. Le Portugal, un pays presque aussi peuplé que la Belgique, n’en a reçu que 160, alors que la Suède avec une population moins nombreuse en a reçu 31.785. C’est correct que la Belgique est quatrième dans le top cinq des pays qui ensemble reçoivent plus de 70% des demandes d’asile (Eurostat). Quel est l’importance de la moyenne de l’UE ?
Quatre : ‘Nulle part la migration passive, comme le regroupement familial, l’asile et la régularisation (80 pourcent), n’est aussi importante’. Que veut-on dire par ‘canaux de migration passive’ ? La Belgique n’a pas de politique d’asile active. Il y a un arrêt de la migration depuis 1974, les seules manières de migrer légalement sont le regroupement familial et l’asile. J’aimerais aussi souligner qu’en 2010, la quantité de décisions favorables sur base du critère ‘ancrage local durable’ était de 55% du total des régularisations humanitaires (compte rendu annuel 2010, CECLR). Il s’agit donc de personnes qui ont établi leurs intérêts affectifs, sociaux et économiques en Belgique. Appeler ces personnes ‘passives’ me semble trop facile.
Cinque : ‘Seulement un quart des étrangers non-européens a un job’. Cela ne dit rien sur la mauvaise volonté de ces gens, mais sur la manière dont nous traitons les migrants sur notre marché du travail. Regardez l’exemple des grévistes de la faim à la VUB qui sont en grève depuis 85 jours avec comme seule exigence de pouvoir travailler légalement en Belgique. Une opportunité qu’ils ne reçoivent pas.
Six : ‘En six ans, la Belgique a donné des papiers à 90.000 étrangers illégaux, ce qui fait de la Belgique chef de file en Europe’. Incorrect : l’Italie, l’Espagne, la Grèce et le Portugal sont en tête avec plus de 70% des régularisations dans l’UE entre 1996 et 2008 (ICMPD, 2009).
Les parlementaires concluent en parlant de ‘l’échec de l’intégration’. À l’exemple d’autres politiciens de droite comme Merkel ou Cameron, ils font sans doute allusion à l’échec des migrants. Car si l’intégration a échoué, c’est l’entièreté de la société qui a échoué. Avec les responsables politiques et les instances compétentes en tête.
Bleri Lleshi est philosophe politique
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Traduction du néerlandais par Benjamin Tollet